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6 avril 2009 1 06 /04 /avril /2009 13:56

 

 

     Elle avance d’un pas tranquille. Il fait si doux ce soir ! À quoi bon se presser ? Mieux vaut aspirer tous les parfums de la nature, l’odeur de l’herbe coupée sur les trottoirs, celle d’un ragoût qui s’échappe d’une fenêtre – si réconfortante – celle de la nuit elle-même, si particulière, si complexe. Mieux vaut écouter les bruits, plutôt étouffés bien que parfois si violents et inattendus. Non, rien ne presse car tout est tranquille, vivant et presque endormi.

Elle se rapproche de son but, son chez elle si sécurisant qu’elle retrouve chaque soir. La solitude s’arrête là-bas, mais c’est juste la fin d’une méditation… vers un autre songe, celui du sommeil cette fois-ci. Elle reconnaît les repères de son quartier, associations de formes, d’ombres et d’intensité immuables, mûrement choisis. Ils parsèment son chemin et sans ces balises, goûterait-elle autant les mystères de la nuit ? En effet, rien ne vaut un peu de solidité pour l’aventure, des outils pour braver l’inconnu, se forger un courage… Car il est tout proche certainement. Et y penser lui fait hâter le pas. Ariane tire sur son fil pour rentrer au bercail. Les balises n’empêchent pas le danger de s’approcher d’elle ; en s’égrenant dans sa perception, elles lui servent surtout à mesurer la distance et le temps qui lui restent à parcourir pour arriver à son refuge.

Elle sursaute au claquement d’une portière, aux volets qui grincent et à l’aboiement du chien, même si ces bruits, elle les a entendus mille fois. Car ses sens sont en alerte à mesure qu’elle avance dans le lotissement. Elle l’a déjà aperçu à cet endroit, elle s’en souvient. Elle ne voit nulle ombre ce soir, mais il est malin. Elle s’arrête un instant et écoute. Le vent bruisse dans les arbres, des enfants crient un peu plus loin. Que pourrait-il arriver dans cet endroit si paisible, cet endroit qu’elle connaît bien ? Elle se rappelle qu’elle a failli être sa victime et elle tremble. Elle a été la plus rapide… et pourtant, il ne faut pas qu’elle se fasse surprendre, elle perdrait cet avantage. Elle reprend sa route, il s’agit de ne pas trop s’attarder tout de même. Dans la dernière rue qui mène à la maison, elle accélère nettement : l’éclairage est plus diffus, le passage moins fréquenté. Elle sent que le danger est tout proche. Il ne peut pas rester sur une défaite.

Une ombre soudain. Elle sursaute. Il est là ! Si près. Elle se doutait bien qu’il repérerait ses passages récurrents. Il s’est amusé deux soirs à se contenter de la suivre, mais hier il est passé à l’offensive et elle lui a échappé de justesse. Son cœur bat vite, elle a peur. Elle se met à courir, elle sent presque son souffle sur sa nuque. Là, la lumière de la fenêtre, la lumière de la vie ! Elle arrive à la maison, la fenêtre est entrebâillée heureusement. Sauvée ! Elle est sauvée, encore une fois. Elle regarde une seconde derrière elle, mais ces yeux-là lui glacent le sang et elle se précipite à l’intérieur.

Elle va dans la cuisine et se frotte en ronronnant contre les jambes de sa maîtresse. Qu’il est bon d’être chez soi !

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commentaires

J
Bonjour,<br /> Belle écriture de nouvelle "in média res"! Le suspens est créchendo et la chute surprenante. Il est très rare de lire une nouvelle construite dans le respect des règles. Félicitations, la vôtre l'est !<br /> Il y a quelques temps, j'ai écrit une nouvelle similaire qui paraîtra bientôt sur mon livre virtuel. <br /> Amicales pensées,<br /> Jyckie.
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